PORNO : LE SERPENT QUI SE MORD LA QUEUE

On ne peut pas empêcher un·e adoles- cent·e de regarder du porno. C’est tout bonnement impossible , les chiffres parlent d’eux-mêmes.

La pornographie, c’est-à-dire, la représentation (sous forme de vidéos, de dessins, de photos etc.) de choses obscènes avec l’intention délibérée de provoquer l’excitation sexuelle, n’est pas mauvaise en soi. Il n’y a rien de mal à produire ou consommer des supports pour provoquer le désir et l’excitation. Il est même assez naturel, alors que l’accès y est largement facilité via les smartphones et les réseaux, que la pornographie attise la curiosité des adolescent·es. Cependant, lorsqu’elle est l’unique porte d’entrée à la sexualité, elle peut en menacer le développement sain et épanoui dans le respect du consentement.

Ces vidéos fascinantes se cherchent dans l’intimité de la chambre et se partagent sur les réseaux ou dans la cour du collège. Pour beaucoup, c’est une façon de se renseigner sur les choses que l’on ne connaît pas. Mais la pornographie n’a pas vocation à éduquer, elle ne peut et ne doit pas se substituer à l’éducation sexuelle, bien au contraire.

L’éducation sexuelle doit accompagner les jeunes suffisamment tôt afin qu’il·elles puissent comprendre et digérer le contenu auquel il·elles s’exposent (ou sont exposé·es). De fait, cet apprentissage doit comprendre une éducation à la pornographie afin d’en décrypter les enjeux cachés derrière la simple fonction érotique. En fait, plus on fait comme si la pornographie n’existait pas pour les jeunes, plus elle a un impact négatif sur leur sexualité. C’est le serpent qui se mord la queue.

Le porno constitue de plus une initiation à la sexualité très réductrice et brutale. Si l’on en croit le nombre de catégories sur le site du géant Pornhub, on pourrait croire qu’il y en a vraiment pour tout le monde et tous les goûts. En réalité, les sites porno mainstream gratuits ont une offre assez peu inclusive en termes de représentation des corps, des sexualités, des rôles, etc. Ils donnent à voir une vision plus qu’elliptique, pour ne pas dire complètement irréelle, du sexe.

Le porno mainstream est principalement produit à destination des hommes hétéros. Donc, non seulement il est hétérocentré, la plupart du temps, mais en plus il use et abuse de clichés sexistes, racistes, grosso- phobes et on en passe… Le point de vue largement adopté est celui de l’homme, c’est lui qui prend du plaisir, et les sujets (les femmes, le plus souvent) y sont objectivés : dans la manière de filmer, de raconter, de photographier et d’appréhender l’acte, c’est ce qu’on appelle le male gaze (que l’on retrouve un peu partout dans la culture médiatique grand public). On y trouve aussi de nombreuses formes de fétichisation (des personnes racistes, grosses, rousses, lesbiennes, petites, trans, jeunes, vieilles, poilues, etc.). Les scénarios ne sont pas réalistes (même les plus banals) et beaucoup de pratiques mises en scène sont extrêmes, douloureuses, et parfois complètement interdites. Les images y sont très crues, souvent violentes, et peuvent être vraiment choquantes pour un public non averti.

LEXIQUE

Male gaze : point de vue masculin. Concept désignant les images présentant une perspective masculine largement répandue dans la culture visuelle dominante.

Porno mainstream : porno «traditionnel» disponibles sur
les grands canaux de diffusion. En opposition au porno alternatif ou éthique qui questionne les codes et méthode du porno mainstream.

Hétérocentré : qui ne prend en compte que les sexualités hétéro, les installant comme la norme.

Fétichisation : fait d’instrumentaliser et de sexualiser une personne pour ce quelle représente et non ce qu’elle est.

Pour les ados, l’impact est très concret : il·elles connaissent parfois mieux les termes sexuels trouvés sur les plateformes de streaming, que leur propre anatomie et se retrouvent paralysé·es à l’idée d’enta- mer une relation, de peur de ne pas être capable de reproduire ce qu’il·elles ont vu à l’écran. D’autres cherchent à tout prix à recopier ce qu’il·elles ont découvert et imposent des rapports très « adultes » et parfois violents à leur partenaire, étant convaincu·e que c’est de qui fera d’eux·elles de super amant·es. Certain·es même en deviennent addicts et sont inca- pables d’être excité·es par autre chose que des images pornographiques.

Il faut absolument rappeler que la pornographie, c’est de la fiction performée (même le porno amateur est réalisé à des- sein !) et qu’elle n’a pas vocation à représenter la réalité. Personne, ou presque, ne fait l’amour comme dans un porno.

Les acteur·rices sont des personnes rémunérées pour leur travail, il·elles se font tester régulièrement, il·elles simulent, sont préparé·es et parfois aidé·es pour accomplir des performances presque inhumaines. Le porno est une industrie très (très très) lucrative et il y a beaucoup à cri- tiquer et à dénoncer surtout lorsque c’est gratuit (modération, conditions de travail, viols mis en scène, etc.). Certaines alter- natives plus éthiques avec des personnes et des points de vues diversifiés, des scé- narios plus travaillés, sont en voie de déve- loppement, mais malheureusement, elles sont souvent payantes et donc rarement visionnées par les plus jeunes.

PORNO : LE SERPENT QUI SE MORD LA QUEUE​

Texte : Brio ados @brio.ados       MON DICO D'ADO

Direction artistique : Nine Perrard

Illustration : Pernelle Marchand