Vladimir STEYAERT

Vladimir STEYAERT est la parfaite incarnation de ce que j’avais en tête lors de la création du magazine. Une personne incroyablement douée en tant qu’auteur et metteur en scène et d’une intelligence assurée. Une vision contemporaine du théâtre qui fait tellement de bien ! Je vous laisse découvrir…

Auteur et metteur en scène. Il a fait des études de philosophie, de sciences politiques et d’histoire de l’art avant de se tourner vers la mise en scène. Il a travaillé jeune à la Comédie de Saint-Etienne où il a appris son métier sur le tas et où il a créé ses premiers spectacles. Il a créé une compagnie de théâtre en 2010 à Saint-Étienne désormais ses activités se partagent entre la France et la Belgique.
Tu as mis en scène Codebreakers, tu nous fait un p’tit teasing ,
Codebreakers croise les destins de quatre figures historiques qui, dans leur vie professionnelle et personnelle, ont brisé des codes et qui ont été brisé par la société dans laquelle elles vivaient. La notion de « code » est prise au sens large et concerne aussi bien les codes cryptologiques, les codes informatiques, les codes de pensée ou encore les codes moraux ou les codes liés à la question de la sexualité et du genre. Ces quatre personnages sont : Giordano Bruno, Camille Claudel, Alan Turing et Chelsea Manning.
C’est une pièce engagée contre le dogme et sa violence autoprotectrice qui ne pouvait pas rester classique, tant sur le plan de la narration que sur celui de la mise en scène. Quelle était ton intention?
J’avais vraiment envie de créer une narration où les quatre destins s’entrecroisent, s’entrechoquent et finissent par se rejoindre en une seule et même histoire : celle des casseurs de codes de toute époque.
J’avais envie qu’on puisse passer en une seconde d’une scène dans un monastère de la Renaissance à une scène de tchat où la parole passe par le prisme du numérique, que l’atelier de Camille Claudel puisse coexister dans le même espace que le laboratoire de recherches d’Alan Turing. Je suis très admiratif des films d’Alejandro Inarritu comme Babel ou Amours Chiennes qui racontent au départ plusieurs histoires a priori indépendantes les unes des autres mais qui au fil du récit finissent par se rejoindre pour n’en raconter qu’une seule. C’est ce que j’ai tenté dans l’écriture et dans la mise en scène de la pièce en faisant « cohabiter » différents modes d’expression : la philosophie pour Giordano Bruno, l’art pour Camille Claudel, les mathématiques pour Alan Turing et le monde numérique pour Chelsea Manning.
Je te cite : « J’ai retrouvé dans son destin tragique une question qui me taraude depuis longtemps : pourquoi la société ne célèbre-t-elle pas ses meilleurs éléments de leur vivant et attend-elle bien souvent plusieurs années après leur mort pour les reconnaître ? As-tu trouvé la réponse du coup?
Hélas, la réponse n’est pas très positive. À travers les destins de Bruno, Claudel, Turing et Manning, on s’aperçoit que le pouvoir, quelque soient l’époque ou le domaine où il s’exerce, est toujours conservateur et qu’il a peur de la nouveauté et de l’innovation car cela pourrait le remettre en cause. Et sa première réaction de défense est de briser tous ceux qui sortent des codes, qui pensent et vivent différemment de ce qui est considéré comme la norme. Cela pourrait peut apparaître comme très déprimant mais je préfère voir les choses autrement. Les idées et actes des quatre protagonistes de Codebreakers ont fini par s’imposer et leurs sacrifices n’ont pas été vains car ce sont grâce à des personnes comme elles que la société peut évoluer démocratiquement, intellectuellement, artistiquement ou moralement. Même s’il faut plusieurs dizaines d’années pour arriver à ces changements.
Tu as créé la pièce au Théâtre National Wallonie-Bruxelles. Pourquoi Bruxelles ?
Depuis mes débuts de metteur en scène, j’ai eu la chance de travailler dans plusieurs pays d’Europe (Belgique, Allemagne Italie, Espagne, Grèce, Croatie…) et de faire des rencontres enrichissantes. Parmi celles-ci, une avec le metteur en scène belge Fabrice Murgia a été très importante dans mon parcours. Il a le même âge que moi et on partage pas mal de choses en commun que ce soit artistiquement ou personnellement.

J’ai collaboré sur plusieurs de ses spectacles et quand il est devenu directeur du Théâtre National Wallonie-Bruxelles, il m’a proposé de le rejoindre là-bas et comme j’avais envie de vivre dans un autre pays que la France, j’ai sauté sur l’occasion !
Tu fais la tournée de «Professeur Alan Turing » dans les collèges et lycées. Pourquoi ce public particulièrement ?
>Je suis assez fasciné par l’adolescence, une période de transition entre enfance et âge adulte où l’on se construit comme être humain en multipliant les expériences. Je crois que moimême, je suis un ado attardé !

Dès ma première mise en scène « Débris » de Dennis Kelly où l’on voyait la manière dont les écrans transformaient l’imaginaire de deux adolescents, je me suis aperçu que mon théâtre, avec beaucoup de présence de musique et de vidéo, plaisait beaucoup au public adolescent. Je me suis aussi aperçu que les jeunes avaient beaucoup de préjugés par rapport au théâtre : on s’y ennuie, ce n’est pas pour nous, rentrer dans un théâtre fait peur. Si c’est difficile pour certains d’aller au théâtre, alors il faut que le théâtre aille chez eux ! Et c’est comme ça que j’ai créé trois spectacles qui se jouent directement dans des salles de classe de collèges et lycées.

Le dernier de ces spectacles « Professeur Alan Turing » est une sorte de « spin-off » de « Codebreakers ». Le pitch est le suivant : un professeur remplaçant de mathématiques arrive en classe. Et il s’agit d’Alan Turing. Avec beaucoup de maladresse, il va tenter de transmettre aux élèves son goût pour les maths et les sciences, leur expliquer son rôle important dans la victoire des Alliés durant la guerre, les débuts de l’intelligence artificielle mais aussi leur parler de son destin tragique.

Ce qu’il y a de génial dans la figure de Turing , c’est que son destin et ses recherches sont très riches et variées et donc que chacun peut s’attacher à une partie de sa vie, qu’on soit adolescent ou adulte. Et qu’il permet d’aborder des disciplines scolaires comme l’histoire, les maths, la physique ou la bio depuis un angle différent.

En tournée :

CODEBREAKERS

Théâtre National Wallonie-Bruxelles du 11 au 15/01/22

Centre Culturel de Huy, Belgique le 19/01 2022

Théâtre Durance, Château-Arnoux-St-Auban le 25/02/22

Théâtre de Roanne le 01/03/22

Centre Culturel de la Ricamarie en co-accueil avec la Comédie de Saint-Etienne les 03 et 04/03/22

En tournée :

PROFESSEUR ALAN TURING

Hexagone, Scène Nationale Arts Sciences de Meylan du 29/11 au 03/12/21

Festival Ramdam, Centres Culturels de la Louvière et de Soignies, Belgique du 16 au 19/11/21

Maison de la Culture de Tournai, Belgique du 7 au 11/03/22

Sources photos : ©Hubert Amiel ©Hexagone, Scène Nationale Arts Sciences de Meylan